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les femmes écrivains au moyen âge

livré une tendre brebis à un loup affamé ; car, non seulement il me chargeait d’instruire sa nièce, mais il me donnait mission de la châtier et de la châtier fortement : et qu’était-ce autre chose que d’ouvrir à mes vœux toute leur carrière, que m’offrir lui-même le dernier moyen de vaincre, — quand bien même je répugnerais à le saisir, — et, au cas où je ne pourrais toucher Héloïse par mes discours caressants, de la fléchir par les menaces et par les châtiments ? Mais deux choses détournaient facilement Fulbert de tout soupçon et de la crainte d’aucun danger : la vertu de sa nièce « a réputation si bien établie de ma continence.

« Que dirai-je de plus ? Héloïse et moi nous fûmes unis d’abord par le même domicile, et ensuite par le même sentiment. Sous prétexte de l’étude, nous vaquions sans cesse à l’amour ; et, la solitude que l’amour désire, l’étude nous la donnait. Les livres étaient ouverts devant nous, mais nous parlions plus d’amour que de philosophie, et les baisers étaient plus nombreux que les sentences. Ma main se portait