Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/80

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
67
MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

mon idéal ! À cette heure, fatiguée de la vie, attristée par tout ce que j’avais vu, froissée de mille façons, je ne demandais que le repos et l’oubli.

Pendant de longues années je me laissai bercer par les vagues sans le moindre souci de l’avenir, descendant quelquefois dans l’abîme pour en sonder les profondeurs.

Un jour que, tout en contemplant le ciel, cet objet de mon éternelle admiration, je songeais aux différentes circonstances de ma vie, souvenir qui doublait le prix de mon bonheur actuel, un rapide navire m’entraîna dans son sillage. Je le suivis longtemps, et je remarquai sur le pont un homme d’un noble et mâle aspect qui, toujours appuyé sur le bastingage, tenait constamment son regard fixé sur un point invariable de l’horizon. Une larme tomba auprès de moi, larme bien amère, en qui se résumaient les plus poignants regrets, ceux de la famille et de la patrie ! Nous voguâmes longtemps de compagnie, jusqu’à ce qu’une trombe nous enleva pour nous précipiter sur le malheureux bâtiment qu’elle abîma dans les flots.

Nous trouvâmes sous les tropiques des courants qui nous poussèrent, la larme et moi, jusqu’aux rivages de l’Inde. De là, nous glissâmes entre les îles de l’immense archipel de l’océan Pacifique ; puis nous doublâmes le cap Horn et descendîmes vers l’équateur. Là, un courant sous-marin nous