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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

ne fût venu à leur secours et ne les eût retirés de l’eau à moitié morts de saisissement. Je me trouvais dans la chevelure frisée de l’enfant que sa mère réchauffait de ses ardents baisers, oubliant qu’elle était plus malade que lui. Elle secoua ses belles boucles brunes et je repris ma liberté à laquelle je fus assez indifférente d’abord, tant j’avais été émue du danger auquel venaient d’échapper cette pauvre femme et son fils.

Je me laissai pousser par la brise sans beaucoup m’inquiéter de la direction qu’elle m’imprimait, et je me fondis pendant la nuit dans la brume épaisse qui couvrait une grande ville. Le matin je me trouvai suspendue aux cils d’un petit ramoneur, à côté d’une larme que lui arrachait le sentiment de sa misère. N’ayant pas d’asile, il avait passé la nuit étendu sur le pavé et souffrant de la faim. L’enfant était si désolé qu’il ne pensait même pas à essuyer ses yeux.

« Ma mère ! où es-tu, ma mère ! disait-il à demi-voix. Un passant, touché de sa détresse et charmé de sa bonne mine, l’emmena chez lui. La joie sécha les larmes du pauvre abandonné en même temps que la brise m’emportait sur son aile.

Je gravitai de nouveau vers le soleil, bien fatiguée des travaux qu’il me fallait accomplir sur la terre. Je montai longtemps, puis, dans un de ces jours de mélancolie où la vie se concentre et où l’on ne tient