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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

En me laissant aller paresseusement au courant, je me trouvai sous la feuille d’une rose qu’un enfant capricieux avait arrachée de sa tige, puis jetée à l’eau. Nous nous arrêtâmes un instant sous une touffe d’aunes au feuillage luisant qui rafraîchissait de son ombre le ruisseau dont les eaux lui baignaient incessamment le pied. Un insecte voulant se dérober à la voracité du rossignol qui le poursuivait de branche en branche, se laissa choir un peu en avant de nous. Le pauvre petit animal luttait désespérément contre une mort imminente, et son courage m’inspira le désir de le sauver. Je poussai tout auprès de lui la fleur que je portais ; il s’y accrocha avec cette sûreté d’instinct que le ciel a mis en toute créature vivante pour sa conservation. Nous le portâmes ainsi jusque auprès d’une touffe d’herbe fleurie, et là, j’abandonnai l’insecte et la rose.

Plus loin je rencontrai un remous dont je suivis le contre-courant et je me trouvai dans un petit bassin qui échancrait la rive. Je m’y reposai quelques jours, et je me disposais à reprendre le fil de l’eau quand une petite blondine à la figure de chérubin, la tête couronnée de bluets, me puisa pour me verser ensuite dans un bocal rempli de jolis poissons rouges.

L’enfant les soignait avec amour : chaque matin, à son réveil, ils avaient sa première pensée, et