Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
26
MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

À peine ingérée, je fus étourdie de l’extrême agitation qui se produisit dans l’estomac, et je m’y trouvai fort mal à l’aise. Comme je cherchais à en sortir au plus vite, je rencontrai l’orifice béant d’un vaisseau absorbant qui me conduisit au poumon. Là, mêlée au sang veineux, je le vis se transformer sous l’influence bienfaisante de l’air en sang artériel ; et, précipitée avec lui dans l’une des cavités du cœur, j’en fus immédiatement expulsée pour commencer le trajet circulatoire favorisé par les mouvements contractiles des artères. Je fus ainsi chassée jusqu’aux extrémités de ce corps que j’habitais, bien malgré moi ! Je revins lentement à travers le réseau veineux qui me ramena, avec le sang noir, vers le cœur, lequel nous lança de nouveau dans le poumon.

Où étaient, hélas ! et ma forme vaporeuse, et le soleil, et l’espace, sans lesquels j’avais cru qu’il me serait impossible de vivre ! serais-je donc condamnée à rester longtemps dans cette obscure prison, et le seul but de mon existence était-il désormais d’entretenir celle d’un être humain ? Me fallait-il renoncer aux charmantes espérances dont je m’étais bercée jusqu’alors ?

J’eus un instant de profond découragement ; mais je me relevai bientôt, résolue à lutter vaillamment contre les rigueurs du sort.

Après trois circulations accomplies, je vins m’ar-