Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/28

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

salpêtre rendant sans doute cette pâture plus savoureuse.

Une grande activité régnait partout en ce lieu. L’on portait successivement la poudre dans trois moulins différents, suivant son degré de fabrication. De petits monticules faits de main d’homme, et plantés d’arbres divers, séparaient chacune de ces constructions, afin que l’explosion de l’une n’entraînât pas celle des autres. En voyant l’arrangement coquet de cette quantité de petites usines isolées les unes des autres, et reliées entre elles par la belle allée de peupliers, qui aurait pu penser qu’elles étaient destinées à la confection du plus terrible agent de destruction qu’on ait encore inventé !

Un jour, je fus puisée avec une multitude de mes sœurs par un poudrier, pour être versée dans le tube d’une presse hydraulique qui réduisait la poudre en feuilles plates et consistantes, qu’on portait ensuite à une machine qui les broyait et les rendait propres à passer dans des cribles de différentes grosseurs. J’avoue que je ressentis quelque orgueil de ma participation à la puissance de cette eau dont le vulgaire ne connaît pas toutes les propriétés. L’opération terminée, l’on nous rejeta dans le canal, et j’attendis qu’il se remplît pour retourner au fleuve. Un matin, à la reprise de l’ouvrage, j’entendis une détonation cent fois