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MÉTAMORPHOSES D’UNE GOUTTE D’EAU.

tion de l’une des plus grosses branches. Je restai presque stationnaire dans le bois, dont le tissu était fort serré en cet endroit ; mais un vent furieux s’étant élevé, le chêne en fut si violemment secoué que la pression opérée en tous sens et successivement par cette grande agitation, me poussa vers les jeunes rameaux où l’aspiration se fit de nouveau sentir ; et en peu de temps j’arrivai, sous forme de séve, à une jeune feuille qui n’était pas encore dépliée. La tempête cassa la branche et en dispersa les feuilles. Celle qui me contenait fut portée vers le creux d’un rocher qui arrêta sa course vagabonde, et le soleil du midi, en la desséchant, me tira d’esclavage. J’en remerciai le ciel avec ferveur, et devenue curieuse d’observer de près toute cette création dont j’avais fait naguère si peu de cas, je profitai de la chaleur pour rester invisible à peu de distance de la terre. La température ayant subitement baissé, je fus précipitée en brouillard dans les eaux d’un ruisseau. Je suivais nonchalamment ses bords gazonneux, regardant les nuages que le couchant dorait de ses plus beaux rayons et aspirant à les rejoindre, quand je fus irrésistiblement entraînée dans un petit conduit en bois qui nous mena, moi et bien d’autres, à travers les champs et les prairies, vers une ferme bâtie dans un pli de terrain. Le conduit pénétrait par le haut dans une petite