Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/182

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
169
L’ÉDUCATION PAR LES FLEURS.

pays. Quoique cet homme gagnât beaucoup d’argent, il en donnait fort peu à sa famille, prétendant qu’il ne lui en restait jamais assez pour boire à sa soif. Sa femme quittait la chaumière le matin, emportant son jeune enfant qu’elle allaitait encore. Elle errait par les champs et les prés pour chercher soit de la salade, soit des champignons ou des violettes, soit des simples pour les pharmaciens ; puis elle pêchait des écrevisses et tendait des lacets aux oisillons. Aussitôt qu’elle s’était procuré par son industrie quelque chose dont elle pût faire argent, elle allait le vendre à la ville et en rapportait du pain pour ses enfants qu’elle aimait à sa manière, ce qui ne l’empêchait pas de les maltraiter souvent ; car cette malheureuse femme, aigrie par la misère, était tombée dans un abrutissement complet. Ses courses fatigantes ne lui donnaient pas toujours le moyen de nourrir ses enfants, et elle faisait tomber sa mauvaise humeur sur eux.

La maison était gardée par Gote, l’aînée de la famille, petite fille de douze ans, et par son frère Jean, qui en avait huit. On ne les voyait jamais ni l’un ni l’autre jouer avec les enfants du village ; ils ne parlaient à personne et on les croyait idiots.

Louise s’étonnait de trouver toujours les deux enfants tapis au coin de leur porte, le petit garçon ayant la tête sur les genoux de sa sœur, et tous les deux dans une immobilité complète. Elle leur avait