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LE PISSENLIT.

nombreux insectes qui me doivent leur conservation ; enfin je suis belle, et tout, autour de moi, semble me rendre hommage ! »

Et la plante superbe fit briller sa fleur aussi reluisante que l’or le plus fin.

Une jolie petite fille qui cherchait des fleurs dans la prairie aperçut le pissenlit, et, le trouvant magnifique, elle le cueillit pour la couronne qu’elle tressait.

La malheureuse plante ressentit une grande douleur, et le lait dont elle nourrissait sa fleur s’épancha par la déchirure de la tige. Elle commença à penser que sa mère pouvait bien ne pas avoir eu tout à fait tort.

Après quelques jours de langueur, un nouveau bouton parut : un nouveau pédoncule le porta au-dessus des herbes environnantes ; une nouvelle fleur brilla entre toutes ! Alors, oubliant les maux passés, le pissenlit s’écria dans son orgueil :

« Je suis belle encore et je domine ! Un pareil triomphe peut-il donc se payer trop cher ! »

Un troupeau de génisses vint se désaltérer au ruisseau. L’une d’elles, blanche comme un agneau, regarde vaguement autour d’elle : le beau pissenlit aiguillonne sa convoitise ; elle allonge le cou et le broute si près de terre que la plante infortunée croit toucher à sa dernière heure. Il lui fallut un long temps pour recouvrer ses charmes. Enfin, au