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LES AVENTURES

des courriers pour donner l’alarme à la cité. Aussitôt les guerrières arrivèrent par détachements, et entourant l’ennemi, elles lui tuèrent un grand nombre de combattants. Les fourmilières de ces deux tribus étaient pourtant fort éloignées l’une de l’autre, mais leurs grands chemins se rencontraient ; il n’en fallait pas tant pour donner prétexte à des escarmouches continuelles.

Dégoûtées de toutes ces guerres, nous nous évadâmes, et je me mis encore une fois à la recherche de la fourmilière natale. En cheminant, nous aperçûmes sur la lisière d’un petit bois deux dômes immenses qui auraient suffi à recouvrir vingt cités comme la nôtre : c’était la demeure des fourmis fauves. Nous cherchions à passer à égale distance de l’un et de l’autre, quand je fus frappée de l’odeur pénétrante qui s’exhalait au loin ; présumant qu’il se passait quelque événement extraordinaire, nous avançâmes avec la plus grande circonspection et nous fûmes stupéfaites de voir le terrain couvert, à perte de vue, de ces fourmis que je croyais si pacifiques. Nous nous trouvâmes en présence de deux armées s’attaquant sur les limites de leurs états respectifs. Des milliers de combattants se prenaient par les jambes, par les mandibules, se dressaient sur leurs pattes de derrière pour mieux lancer leur venin dans les blessures qu’elles venaient de faire avec leurs dents ou leurs pinces.