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LES AVENTURES

je résolus de quitter ces pillards insatiables et d’emmener ma chère élève avec moi.

Un beau jour donc, nous sortîmes en foule à la recherche de quelque proie nouvelle. Nos larves, sur le point de quitter leur coque, avaient un appétit vorace que nous avions beaucoup de peine à satisfaire ; moi, surtout, chargée de l’éducation de plusieurs de ces affreux géants, j’étais sur les dents. Nous assaillîmes un pauvre hanneton qui s’était fourvoyé sur notre route : il fut disséqué en un instant. Chacune prit une partie de son squelette mis en morceaux, pour l’emporter dans les magasins. Je profitai du trouble occasionné par ce grand travail pour m’esquiver avec ma jeune amie, espérant retrouver notre chère patrie dont je croyais n’être pas très-éloignée.

Nous nous aventurâmes donc dans des contrées inconnues. Le second jour nous nous trouvâmes devant une fourmilière dont les habitants étaient en grand émoi, car une armée complète de fourmis sanguines l’assiégeait. Toutes les larves et les nymphes avaient été portées sur le côté du dôme opposé à celui où se présentait l’ennemi. Les jeunes femelles étaient déjà en fuite, et les ouvrières se disposaient à les suivre emportant chacune sa nymphe, quand les sanguines fondirent sur le dôme après avoir vaincu les noires cendrées qui avaient tenté une diversion sur un espace de deux pieds carrés