Page:Carraud - Les métamorphoses d’une goutte d’eau, 1865.pdf/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
109
D’UNE FOURMI.

gence du cas. Enfin, au bout d’un mois, nulle ne savait mieux qu’elle éventer une proie, découvrir un lieu favorable pour y bâtir une cité nouvelle, et elle n’avait pas son égale pour construire une voûte et pour la polir.

Je gémissais en pensant que tous ces talents qui auraient illustré ma jeune amie dans notre chère république, allaient être au service de maîtres insouciants, peu capables de les apprécier. Un instant je crus que nous allions être débarrassées de leur joug insupportable, car nos guerrières rencontrèrent une colonne de légionnaires de leur espèce allant dévaster quelque fourmilière de noires cendrées. Les deux troupes s’attaquèrent avec impétuosité. Une bonne moitié de nos guerrières rentra, suivie du parti ennemi qui se précipita dans les galeries et les salles en véritable conquérant ; mais nos maîtres, qui avaient attiré l’ennemi par cette feinte, profitant de la connaissance des lieux, massacrèrent jusqu’au dernier, et pas un seul ne sortit de cette cité, où il était entré en vainqueur, pour aller dans sa patrie donner aux siens des nouvelles du combat. Nous nous empressâmes de nous débarrasser des cadavres qui encombraient notre demeure et de faire disparaître jusqu’au moindre vestige de cet affreux carnage. Combien le repos nous sembla doux quand tout fut remis en ordre !

Ennuyée de la vie à laquelle on nous condamnait,