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LES AVENTURES

Je fus fort surprise d’en trouver les abords remplis de fourmis de mon espèce qui attendaient les guerrières au seuil de leur habitation. Elles s’empressèrent de venir au-devant d’elles, débarrassèrent le plus grand nombre du fruit de leur pillage et le mirent en sûreté. D’autres donnèrent la becquée à celles des arrivantes qui paraissaient les plus épuisées ; ensuite elles les portèrent avec précaution dans l’intérieur de la cité. Tout cela se faisait sans contrainte et de la meilleure grâce du monde. C’était à n’y rien comprendre !

Quand tous ces pillards furent rentrés chez eux, les noires cendrées, en esclaves vigilantes, remirent tout en ordre aux alentours de la demeure avant d’y rentrer elles-mêmes. Je me mêlai parmi elles, espérant, avec raison, passer inaperçue dans la foule, et je me mis à la recherche de ma chère larve, que je reconnus bientôt à sa bonne mine et à l’embonpoint remarquable que j’avais si soigneusement entretenu depuis sa naissance.

Je remarquai avec le plus grand étonnement que les ravisseurs, après avoir remis leur proie aux soins des noires cendrées, n’en prenaient plus aucun souci. Ils ne s’occupaient même pas de leurs propres larves ; et si les esclaves ne leur eussent donné la becquée, ces parents dénaturés les auraient laissé mourir de faim.

Le lendemain les guerrières ne sortirent pas, et