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LES AVENTURES
D’UNE FOURMI.


Je suis éclose dans une république prospère et bien disciplinée, exempte jusqu’alors des malheurs qui ne sont que trop souvent le partage de la grande famille des fourmis noires cendrées à laquelle j’appartiens. Mon enfance s’écoula sans aucun souci, au milieu des innocents plaisirs de cet âge. Nos pourvoyeuses étaient vigilantes et ne nous laissaient point manquer de cet excellent miel que les pucerons distillent tout exprès pour nous. Dès l’éclosion de l’œuf qui me contenait, j’annonçai une rare intelligence. Petite larve encore, je savais me dresser et demander la becquée quand la faim me pressait ; et si ma nourrice ne montrait pas assez d’empressement à me satisfaire, j’allais chercher jusque dans sa bouche cette miellée dont j’étais si friande. Aussitôt qu’un rayon de soleil réjouissait