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originaires et non-originaires.

principal et accessoire des proces [1] ». L’institution des « non-originaires » avait cependant un grave défaut, elle mettait en possession du droit de juger des magistrats qui pouvaient mal connaître la coutume de Bretagne. En 1556, un plaideur, ayant perdu son procès, présenta à la Cour une « requête civile » où il « remontrait » que les « conseillers de France » qui avaient pris part au jugement n’entendaient pas la coutume ; son avocat fut assez hardi pour plaider dans ce sens et pour conclure à la cassation du jugement. Or les « conseillers français » étaient moralement obligés de connaître la coutume ; la pratique, disait-on, devait leur en donner « la parfaite intelligence » ; l’avocat qui niait leur science à leur barre se rendait donc, à leur endroit, coupable d’une grave offense. La Cour pouvait le condamner à l’amende, tout en déboutant « l’impétrant » de sa « requête civile » ; mais il est probable que l’autorité juridique des « non-originaires » était assez mal établie dans une Cour où, en pleine audience, un avocat osait la contester[2].

On verra plus loin quelles rancunes et quelles haines mirent aux prises, dans le Parlement de Rennes, les Bretons et les Français. Pendant de longues années, les juges souverains se montrèrent profondément divisés sur la question des « origines ». Il était de l’intérêt de la royauté, et il entrait dans ses vues, d’empêcher que l’union se fît parmi eux. Cinquante ans après l’édit d’érection

  1. Noël du Fail, les Contes et discours d’Eutrapel (édition de 1732), t. I, p. 131.
  2. Ibid. Les plus solemnels arrests et règlemens donnez au Parlement de Bretagne, recueillis par Noel du Fail, sieur de la Herissaye, conseiller au Parlement, avec les annotations de Me Mathurin Sauvageau, avocat en la Cour (Nantes, 1715), t. I. p. 13 : Arrêt du 12 octobre 1556.