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LE GOUVERNEUR.

En 1591 les habitants de Rennes se plaignent amèrement que M. de Montbarot frappe des droits sur toutes les marchandises qui entrent dans la ville ou qui en sortent ; dans un rayon de quatre à cinq lieues autour de Rennes, les villages sont désolés par ses exactions. Il lève en effet par an, de cinquante à soixante mille livres sur des paroisses qu’il n’a pas le droit de taxer[1]. Quand la guerre est finie il ne se défend pas contre les accusations dont il est l’objet. Il reconnaît que, sans la permission du Roi, il a perçu les subsides dont il avait besoin pour mettre Rennes en état de se défendre ; il dit n’avoir pas eu le loisir d’envoyer qui que ce soit vers le Roi pour réclamer de lui des ordonnances qui pussent donner à ses actes un caractère légal. Dans la ville et dans les faubourgs de Rennes, il a démoli et rasé à son gré les maisons qui gênaient la défense. Il demande au Roi d’approuver tout ce qu’il a fait et Henri IV accueille sa requête[2]. Au temps de la guerre civile on ne trouve point de traces de rivalités soulevées entre le « corps de ville » et le gouverneur. Peut-être les bourgeois approuvaient-ils souvent les mesures de défense prises par M. de Montbarot ; en tout cas ils n’avaient aucun moyen de résister à un chef militaire qui avait décidé de tout subordonner aux nécessités de la guerre, et qui prenait la place du « corps de ville » quand il ne trouvait pas chez lui assez de docilité. Le Parlement ne pouvait rien pour eux, et bien qu’il fût la plus haute autorité morale de la province, il était incapable de faire respecter leurs privilèges par un gouverneur qui avait en main la force. Ce gouverneur n’arrachait-il pas les ecclésiastiques eux-mêmes à la juridiction des juges souverains ? Les juges le menaçaient, mais il leur répondait audacieusement que s’il n’entendait rien aux lois, il savait faire la guerre et prendrait toutes les mesures nécessaires « pour le fait des armes »[3].

  1. Registres secrets (17 mai 1591).
  2. Registres d’enregistrement (mai 1598).
  3. Registres secrets (21 août 1592).