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Aussi mons. Rameau, qui savait regarder de loin, et qui a porté des jugements si justes sur le développement futur de la race française en Amérique, disait-il en 1854[1] :

« Au premier abord les vastes régions désertes qui s’étendent au nord du St-Laurent, dans le haut bassin de l’Ottawa, et qui se prolongent au nord des grands lacs, pour atteindre les immenses territoires du Nord-Ouest, semblent être des pays infertiles et glacés, qui se refusent à toute exploitation profitable. Il n’en est rien cependant, la limite où peut s’arrêter le travail débile de l’homme est encore bien plus reculée vers le nord, mais ces contrées froides et d’un abord difficile, couvertes de neige une partie de l’année ne séduisaient ni les émigrants européens, ni ceux des États-Unis ; ils préféraient les vastes plaines de l’Ouest avec leurs grandes voies navigables, leur climat tempéré et leur culture plus aisée. Ces émigrants d’ailleurs auraient été peu capables d’affronter cette rudesse du sol et de la température ; le peu d’entre eux qui se dirigent vers ces parages s’en déportent promptement et les quittent presque toujours pour descendre vers une zone plus chaude.

« Ces immenses espaces semblent donc être destinés à l’expansion des Canadiens français, et c’est là le théâtre que la Providence paraît avoir réservé à leur action. Là, pourront tranquillement s’étendre leurs enfants sans que de longtemps encore aucun étranger vienne se mêler à eux, et jusqu’aux limites de la culture possible, ils pourront se développer en paix, avec leur langue, leur caractère propre et toutes leurs habitudes. »

Nous croyons avec monsieur Rameau, avec les explorateurs, les géologues et les missionnaires, qui ont parcouru l’immense région qui va du Transcontinental aux rivages de la Baie James, que la culture dans le Nord pourra être faite avec profit bien au delà de la partie maintenant en voie de colonisation et située le long du chemin de fer.

En effet, d’après le rapport de M. Bancroft, professeur de géologie à l’Université McGill, qui a exploré durant l’été de 1912 le terrain compris entre la rivière Harricana et la rivière Nottaway, le bassin argileux de cette région couvre une étendue allant jusqu’à 120 milles au nord du Transcontinental.

« Dans toute cette étendue, dit-il, le sol convient à l’agriculture, si l’on excepte les petits paquets de buttes rocheuses, les petites rives sableuses, et les espaces beaucoup plus considérables où les marécages dominent. Il existe autour des lacs Soskumika, Matagami et Olga de très grandes étendues de terrain propice à l’établissement de fermes.

« Les plus grandes étendues continues de bonnes terres que nous avons rencontrées se trouvent le long de la rivière Natagagan et surtout le long de la rivière Allard. Lorsqu’on quitte les eaux sales, cou-

  1. E. Rameau. La France aux colonies, p. 233.