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qui osèrent[1] l’entreprendre ; les deux derniers penserent en souffrir, Car quoy qu’ils soient en réputation d’estre des meilleurs canoteurs du paie (pays), ils ne laissèrent pas d’embarquer sur une roche, et rompirent leurs canots par le milieu, qui furent remplis a même temps. Ils se jetterent resolument à l’eau, où ils en trouverent (415 bis) jusque aux échelles (aiselles), et eurent beaucoup de peine a gagner terre, en trainant leur canot plain d’eau, dont le rapide estoit effroiable. Un jeune canadien nommé la Motte voulut le secourir, mais le courant l’emportant il se seroit infaliblement noyé, sans le promp secours de nos gens, qui les ramenerent tous trois avec des fatigues incroiables a terre, ou ils déchargèrent leurs canots pour les racommoder et secher ce qui estoit dedans. Les autres canots monterent comme ils purent, quelques-uns furent jusques au portage et l’aiant fait en même temps vinrent ou j’estois campé[2]. J’y estois arrivé avec bien de la difficulté, au travers des bois affreux par leur solitude et incommodes, à cause d’une quentité prodigieuse de roches renversées ou pour mieux dire éboulées[3], et de bois abatu, le tout entremeslé d’épaisses fredoches, qui rendent la route extrêmement laborieuse Il n’y eut que très peu de gens qui me joignirent, a cause du grand nombre de canots qui furent crevez. Car outre qu’il fallut les racommoder il est constant qu’il estoit impossible de ré-

  1. Les sieurs de Ste-Hélène, d’Iberville, de Maricourt et de la Noüe.
  2. À l’endroit où se trouve actuellement Grenville.
  3. La rive nord de l’Ottawa dans cette partie est escarpée et recouverte de gros blocs de pierre, qui rendent la marche très pénible.