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Après avoir rudement châtié ces barbares, et détruit plusieurs de leurs villages, M. de Denonville s’arrêta à Niagara, où il construisit un fort. Le sieur de Troyes fut nommé commandant de ce fort. On y laissa une garnison de cent soldats d’élite avec six officiers, un garde-magasin et trois charpentiers.

À son retour à Montréal, le 25 août suivant, M. de Denonville écrivit à M. de Seignelay :

« Ce poste (Niagara) étant en défense, j’y ai laissé cent hommes sous le commandement du sieur de Troye, qui fit l’an passé l’expédition du Nord. C’est un très bon sujet qui mérite bien quelque part en l’honneur de vos bonnes grâces et de votre protection. Il peut vous être utile en bien des choses, il est sage et entendu et de bonne volonté, et a bien servi sur terre »[1].

La carrière du valeureux capitaine de Troyes devait se terminer tragiquement à Niagara.

Pendant l’hiver le scorbut et d’autres maladies se déclarèrent dans la garnison, et y firent de grands ravages. Au printemps un parti de secours, qui avait été envoyé du fort Frontenac pour ravitailler ces malheureux, ne trouva plus au fort de Niagara que « trois officiers et quatre soldats se portant bien, et cinq ou six moribonds ».

« Il nous apprirent, dit M. de Catalogne, que M. de Troyes, commandant, était mort le 8 mai, et c’était à lui qu’on attribuait la principale cause de la maladie, en ce que dès l’automne il avait retranché les vivres, refusé de tuer une vache qu’il avait, que par ce moyen on aurait eu le foin qui lui était destiné, pour mettre dans les paillasses des soldats qui étaient contraints de coucher par terre. Cette dureté détermina toute la garnison à former une sédition, c’est-à-dire d’égorger le commandant et quelques autres officiers, de qui ils n’étaient con-

  1. Arch. Can., Corr. gén. Canada. Vol. 9, p. 61.