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faible garde au camp, je fis marcher tout mon monde a la battrie, pour s’y tenir sous les armes a la veue du fort. L’on pointa aussi deux pieces de canon chargées de bates (boulets ou balles), toutes autres pieces estant en estat, et les bouttes feus allumés, apres quoy je monté en chaloupe, en meme ordre et nombre de gens que le gouverneur qui, s’estant embarqué, se laissoit toujours de virer dans le milieu du chenal, a la marée qui baisoit, jusques à ce que m’aiant joint, nous jettames nostre grapin a l’eau, qui nous arresta. Il m’aborda avec de grandes salvades. Il commença nostre conference par une bouteille de vin d’espagne, dont il commença le premier a boire, la santé des roys de france et d’angleterre. Je luy fis raison volontiers avec ceux qui estoient avec moy, du nombre desquels estoit mr. d’hyberville. Il avoit plusieurs autres bouteilles de liqueurs dont voulant faire regal, je leur dis que je n’estois venu la pour boire, que je ne manquois pas de rafraichissement et s’il vouloit venir au camp, je luy ferois boire de meilleur vin que le sien, quoy que je n’eusse serieusement qu’une chopine d’eau de vie que je gardois pour la dernière necessité, et luy demendé ce qu’il souhaittoit de moy. Il me fist reponse qu’il me prioit de luy dire ce que je voulois et mes pretentions. Je luy dis que puisqu’il ne me rendoit pas les françois[1] qu’il avoit, que je voulois avoir la place, sur quoy il me reparla qu’il

  1. Henry Sergeant, gouverneur d’Albany, avait renvoyé Péré en France par voie d’Angleterre, l’automne précédente.

    Péré revint en Canada au printemps de 1687.

    Voir sur ce personnage un article de M. P.-G. Roy, dans le Bulletin des Recherches historiques, 1904, pp. 213-221.