Page:Caron - Journal de l’expédition du chevalier de Troyes à la baie d’Hudson, en 1686.djvu/102

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 92 —

(449 bis), ce qu’il vouloient faire. Je mis le surplus de nos gens dans le camp, avec ordre de bucher et de parler comme si ils eussent esté bien du monde. L’on me vint dire peu de temps après qu’ils me vouloient parler. Je fus donc au devant d’eux avec le P. Silvie, ne voulant pas par raison le faire introduire dans le camp. Je trouvé un homme qui estoit sorti de la chaloupe, ou il en estoit resté quatre autres y compris leur tembour. C’estoit leur ministre qui, tenant en sa main une demie picque ou estoit attache le tablier de la servante qui leur servoit de pavillon, vouloit me faire un grand compliment. Lorsque en l’interrompant je luy demendé brusquement le subjet de sa venue. Il me repondit, tout deconcerté, que le gouverneur auroit bien voulu avoir l’honneur de me parler. Je luy dis qu’il le pouvoit faire & venir au camp en toute seureté, quoy qu’a dire, je n’eusse guerre envie de l’y recevoir, de peur qu’il ne decouvrit nostre misère, a quoy, aiant expliqué que le gouverneur viendroit volontiers en chaloupe, a moitié chemin du fort et de la battrie, pour conferer avec moy, si j’en voulois faire de meme, je me fis, comme on dit, tirer l’oreille et enfin j’y consenti sous pretexte que je voulois gratifier le gouverneur. En faitte de quoy le ministre, me faisant de grandes, reverences, m’asseura que le gouverneur (450) serait a moy dans une heure. Je luy repondis seurement que s’il n’y venoit dans demie heure, je l’irois querir, ce qui l’estonna. Il me dist d’un air ministral qu’il l’aloit faire venir au plus tost. Pendant ce temps la, je fis armer une chaloupe, & ne laissant qu’une