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1o. Tout le territoire que je représente est une vaste réserve forestière, or, mes commettants et moi, nous sommes opposés aux réserves forestières ; nous trouvons que cette loi pèse lourdement sur le colon et constitue parfois une espèce d’injustice.

Les montagnes se réserveront bien d’elles-mêmes, pas besoin de loi pour les protéger contre le soc de la charrue ; mais si les terres sont propres à la culture, qu’on laisse nos frères aller y chercher le pain de leur famille, ce seront autant d’âmes enlevées au gouffre dévorant des États-Unis. Dites-moi donc, Messieurs les Ministres, vous proposez-vous sérieusement d’empêcher toute colonisation dans les vastes territoires du Saint-Maurice ! Et les hommes courageux qui y sont déjà établis, qu’en voulez-vous faire ? Voulez-vous les condamner à un isolement irrémédiable ? Voulez-vous qu’ils ne puissent jamais avoir au milieu d’eux, vu leur petit nombre, ni un prêtre pour avoir soin de leurs âmes, ni un instituteur pour instruire leurs enfants.

Vous voulez, dites-vous, le bonheur de tous les colons ! C’est bien ce qui doit être, mais alors ne leur mettez pas d’entraves ; ouvrez toutes grandes les portes de la colonisation ; le défrichement des terres présente assez de difficultés par lui-même.

Je vous entends balbutier que ce n’est pas vous qui avez fait cette loi : je le sais, mais je sais aussi que vous me donnez une mauvaise raison. Si vous appliquez la loi, vous en devenez responsables.

D’ailleurs ne disons pas trop de mal des auteurs de cette loi, ils ne sont peut-être pas responsables de tout ce qui se fait aujourd’hui. Je pense, moi, que cette loi est devenue mauvaise par la manière dont on s’est mis à l’appliquer. Il y avait lieu de donner au Gouverneur en Conseil le droit de faire des réserves forestières. Par exemple, en certains endroits on fait assurément des déboisements excessifs, il est donc à désirer que l’autorité puisse intervenir et dire aux défricheurs : je défends de coloniser tel morceau de terre car il doit rester en forêt. Oui, je suis prêt à admettre que cela peut se faire dans l’intérêt de toute la pro-