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On fait descendre le cheval sur la rive sud-ouest. Il fait horriblement noir, mais nos guides connaissent si bien ce pays. Des détonations retentissent : on nous attend à La Tuque.

Enfin nous débarquons ; il passe neuf heures, et il nous faut maintenant faire un trajet d’un mille, à pied, dans de très-mauvais chemins, M. Thompson des Trois-Rivières et M. Jean-Baptiste Tessier sont les premiers à nous souhaiter la bienvenue. Nous passons au milieu des gens attroupés, et nous commençons immédiatement le voyage. M. Thompson et M. Tessier portaient chacun un fanal : ils nous éclairaient avec un soin extrême, et nous prévenaient dès qu’il y avait un endroit un peu difficile à franchir. Quant à ceux de notre caravane qui se trouvaient à marcher loin des lumières, ils sentirent plus d’une fois l’eau boueuse inonder leurs chaussures, et firent nécessairement plus d’un faux pas.

Monseigneur marchait le premier, et il fit le trajet aussi allègrement qu’un jeune homme.

Tout ce chemin que nous parcourons a été balisé par les soins de M. Thompson.

Nous arrivons à la maison du gouvernement, maison vaste et propre à recevoir une caravane comme la nôtre. Madame Lacroix (son mari, François Lacroix, est employé à la Grand-Mère) nous accueille avec une grande politesse. La table se met, et nous soupons à neuf heures et trois quarts. Après le souper, les jeunes gens, pour montrer sans doute qu’ils n’étaient pas fatigués, font sonner l’accordéon d’une manière réjouissante. Monseigneur leur fait annoncer que ce n’est plus le temps de faire de la musique, mais bien de se reposer et de dormir. Il y a encore quelques éclats de rire, puis le silence se fait. Madame Lacroix a emmené les filles et les femmes avec elle, et les hommes forment des dortoirs à leur guise. Plusieurs couchent sur le lit moelleux des frères Trappistes ; heureux encore s’ils peuvent avoir un oreiller pour se soulever un peu la tête.

Avouons que quelques-uns dorment un peu par