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Ce n’est pas une opinion hasardée, mais c’est une chose certaine que l’île Saint-Quentin s’avançait autrefois de six cents pieds, au moins, dans le courant du fleuve ; veuillez donc, cher lecteur, ne pas oublier cela, car nous en aurons besoin bientôt. Cette chose-là étant bien établie, je crois que nous pouvons arriver à une conclusion importante ; suivez-moi seulement et soyez bien patients.

Jacques Cartier, le découvreur du Canada, s’arrêta dans une des îles du Saint-Maurice, et essaya ensuite de remonter la rivière. Voici comment il parle : « Le mardi, cinquième jour d’octobre, nous appareillâmes (dans les îles de Sorel) et fîmes voile avec notre galion et nos barques pour retourner à Québec, où étaient demeurés nos navires. Le septième jour, nous vînmes poser en travers d’une rivière qui vient devers le nord et se jette dans le fleuve Saint-Laurent. À l’entrée de cette rivière, il y a quatre petites îles pleines d’arbres : nous nommâmes cette rivière la rivière de Fouez. Et parce que l’une de ces îles s’avance dans le fleuve et qu’on la voit de loin, le capitaine fit planter une belle grande croix sur la pointe de cette île »… Sur quelle île cette croix a-t-elle été plantée ? C’est une question d’un immense intérêt pour nous ; examinons-la donc et tâchons de la résoudre.

Jacques Cartier dit qu’il y avait quatre petites îles, c’est-à-dire qu’il n’a pas pris la peine de mentionner les îles Caron et Ogden qui ne sont, en effet, que des îlots sans importance. Mais le fait qu’il ne mentionne que quatre îles met tout de suite de côté l’opinion de ceux qui prétendent que, du temps de Cartier, le Saint-Maurice coulait encore par la Fosse et le ruisseau de la Madeleine, de manière à former deux îles de l’emplacement actuel de notre ville. Je dis que le texte de Cartier met cette opinion de côté, et cela est évident, car alors Cartier eût compté au moins six îles, il en eût même trouvé huit ; il n’aurait donc pu dire, en aucune manière, qu’il y en avait seulement quatre. Nous sommes donc forcés de rejeter l’opinion qui veut que la croix ait été plantée sur la pointe avancée du Platon.