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cylindres d’émeri, les meules et toutes les machines dont on avait besoin. Tout cela est complètement en ruine.

Nous remercions M. Fortin de l’extrême bonté qu’il a eue de nous guider dans notre pèlerinage à travers les Forges, et nous lui disons au revoir ; nous jetons un dernier regard sur la Grande Maison qu’un massif de cèdre blanc (thuya occidentalis) cache en partie de ce côté, et nous reprenons notre voyage interrompu. Sois allègre, petit canot ; vole sur les ondes, c’est notre dernière étape. Nous ne sommes qu’à trois lieues des Trois-Rivières.

À peine étions nous en route, que notre canot était fatigué par les lames, agité dans tous les sens, ballotté d’une manière effrayante. Je ne voulais pas avoir peur, mais j’avoue que de petits frissons fort désagréables me passaient alors fréquemment sur le cœur. J’adressai pourtant la parole à mon guide sur un ton presque stoïque : Les eaux, lui dis-je, sont très agitées ici. Il m’avoua alors que sous une main tant soit peu novice notre nacelle eût été bien vite remplie d’eau. Nous étions dans la partie la plus redoutable du rapide des Forges.

Nous faisons un détour, et nous trouvons le fleuve tout apaisé. C’est probablement ici que Champlain achevait son voyage dans le Saint-Maurice en 1603 : « Nous entrâmes environ une lieue dans la dite rivière et ne pûmes passer plus outre à cause du grand courant d’eau. Avec un esquif nous fûmes pour voir plus avant ; mais nous ne fîmes pas plus d’une lieue que nous rencontrâmes un saut d’eau fort étroit, comme de douze pas, ce qui fut occasion que nous ne pûmes passer outre. Toute la terre que je vis au bord de la dite rivière va en haussant de plus en plus, qui est remplie de quantité de sapins, cyprès et fort peu d’autres arbres. » (Voyage de 1603). Je trouve bien que les deux lieues de Champlain étaient un peu longues, et que ses douze pas étaient des pas de géant, mais passe cependant.

Des maisons bordent ici la rive gauche de la