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Aux eaux basses, cette pointe paraît assez inoffensive, mais quand le niveau des eaux s’élève, et quand la rapidité du courant augmente, le fleuve vient s’y briser avec fracas, et forme un remous des plus redoutables. Or, un chaland chargé d’hommes et de provisions remontant un jour le Saint-Maurice, dans la saison des pluies, il arriva que celui qui était au gouvernail fit dévier quelque peu son vaisseau de la direction qu’il lui fallait suivre ; le chaland fut emporté immédiatement par un courant irrésistible, et chavira dans le remous. Douze hommes perdirent la vie : c’était un malheur comme le Saint-Maurice n’en avait jamais vu de semblable. Un poète populaire[1] a composé sur cet évènement tragique une complainte qui se chante encore sur les bords du Saint-Maurice. On ne trouve qu’un défaut à cette complainte : elle fait trembler la voix de celui qui la chante, et elle fait pleurer ceux qui l’entendent chanter.

Voici les mots de ce chant, tels que nous avons pu les recueillir ; la musique, sans aucun doute, en augmente de beaucoup la valeur.

La rime échappe bien souvent, les incorrections de toute sorte abondent, mais il faut laisser les chants populaires tels qu’ils sont.

Vous me demandez que je chante
À tout moment
Une chanson très-affligeante.
Dernièrement
Sur la rivière Saint-Maurice,
Il n’y a pas longtemps,
Dans l’automn’ de soixante-neuf,
Un accident.
II
Dans la classe des voyageurs,
C’est très-souvent
Qu’on est exposé à sa perte
Dans un moment.
Souvent la prudence nous manque
En voyageant,
C’est sur la rivière Saint-Maurice,
Dans ces chalands.

  1. Joseph Varin.