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au hasard, voilà nos précieuses parures, nos délicieux parfums, nos riches et brillantes tentures !… Et tandis qu’à l’autel le prêtre, assisté de ses diacres, offre le très saint Sacrifice, tandis que des voix pieuses font entendre des chants de l’âme, des cris du cœur, la foule pressée au dedans et au dehors du saint lieu trop petit pour la contenir, attentive et recueillie, contemple, en priant, l’auguste Face de Notre-Seigneur, les yeux mouillés de larmes.

« À l’issue de l’office divin, la procession se met en marche, la croix pour unique bannière. Tout le décor du modeste cortége a été mis dans les mains pures et innocentes des petits enfants. Huit d’entre eux, costumés pour la fête, portent l’image vénérée de la sainte Face ; les autres tiennent à la main de petites oriflammes, et s’avancent graves et recueillis comme des anges à la suite du Roi des cieux.

« En un moment, l’ordre le plus parfait s’établit dans les rangs, chacun a pris sa place sans tumulte et sans bruit. Entre les deux haies de balises qui bordent le chemin, on voit défiler lentement deux rangées de vieillards, d’hommes, de femmes et d’enfants, tous dans le plus profond recueillement, et se communiquant l’un à l’autre une émotion visible et croissant à chaque pas.

« Après avoir traversé toute la partie habitée des Vieilles-Forges, la procession vint s’agenouiller aux pieds d’un magnifique reposoir élevé sur le seuil de la dernière demeure, auprès de laquelle coulent, en murmurant à travers un rocher, les eaux de la rivière Saint-Maurice, si longtemps témoin des scandales dont il a été parlé plus haut.

« C’est là, sur une estrade élevée, en présence de la sainte Face déposée sur un autel préparé à l’avance, que le prédicateur va faire entendre sa voix, et protester au nom de tous contre les blasphèmes et les scandales dont ces lieux ont été si souvent le théâtre. C’est là aussi que la foule pieuse va laisser libre cours à des larmes depuis trop longtemps dissimulées sous une paupière attendrie, à des soupirs jusque là