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qu’à nous dérouter, mais la troisième peut, je crois, nous mettre sur la piste.

La Gabelle était autrefois un lieu de traite bien fréquenté : Les Sauvages descendaient du Nord avec leurs pelleteries, les Français montaient jusqu’au premier des grands rapides avec leurs marchandises, et les échanges se faisaient. Il y avait là un grand commerce, le Gouvernement devait donc y percevoir des impôts, de là le nom de Gabelle. Je donne mon explication telle que je la conçois ; si quelqu’un en trouve une autre plus acceptable, qu’il la présente.

Quant à l’opinion qui ne voudrait voir là qu’une simple corruption du mot Gamelle, nous croyons qu’elle n’a rien de sérieux et que, par conséquent, il n’y a pas lieu de s’y arrêter.

Ayant traversé le petit rocher de la Gabelle, nous pûmes remonter dans notre canot, et commencer une route moins accidentée. Le fleuve, en effet, est devenu beaucoup plus doux, bien qu’il fasse encore un peu la grimace. C’est ici que l’on formait les radeaux dont nous avons parlé.

À notre gauche nous voyons quelques arpents de terre entièrement déboisée : c’est la ferme de la rivière Cachée, la plus ancienne de ces parages. Immédiatement à côté de cette ferme, nous apercevons l’embouchure de la rivière dont elle porte le nom. C’est sur la rivière Cachée que furent établies les premières scieries de quelqu’importance dont il soit fait mention le long du Saint-Maurice. M. Greeve, qui avait fondé cet établissement, comptait M. John Baptist parmi ses employés.

M. Baptist était jeune, mais il était observateur et il avait une grande force de volonté ; il acquit de l’expérience dans l’exploitation du bois, et quand il quitta M. Greeve, il alla bravement établir ses scieries du rapide des Grès. Tout le monde sait qu’il fit faire un pas immense au commerce de bois, et qu’il sut enfin arriver à la fortune.

Mais pendant que nous jetons ainsi des regards sur le passé, n’allons pas oublier le paysage qui se déroule sous nos yeux.