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la première fois que j’irai chez nous, je ne manquerai pas d’aller trouver M. le curé, pour me faire recevoir dans la confrérie. Je n’en forme pas encore partie, mais cela ne m’empêchera pas de faire la prière avec vous autres ce soir. De tous les hommes présents, il était le seul qui ne fût pas reçu du scapulaire. Le lendemain il se noyait, et deux hommes qui voulaient aller le secourir, mais qui auraient probablement péri avec lui, furent arrêtés miraculeusement. Je dis miraculeusement ; en effet, cette barge que deux hommes faisant des efforts désespérés n’avaient pu remuer d’une ligne, un seul homme, dès que Boucher eut disparu, la poussa à l’eau, avec une extrême facilité ; un enfant eût réussi comme lui. Depuis ce temps, les employés de M. Rousseau se font tous recevoir du scapulaire, et les cinq pater et cinq ave se récitent chaque soir, sans qu’on y ait manqué une seule fois.

M. Étienne Boucher était un homme d’un caractère doux et affable, et surtout un excellent chrétien.

Dans le flottage du bois sur le Saint-Maurice, si on laissait passer les bûches dans la chute, voici ce qui arriverait : une grande partie entrerait dans le Remous du Diable, et il n’en resterait que des débris. Celles qui éviteraient le remous, se meurtriraient sur les pierres de la chute. Pour éviter d’aussi sérieux inconvénients, le gouvernement a fait construire un glissoir qui fonctionne d’une manière admirable.

Le glissoir de Chawinigane est un plan incliné fait de madriers épais, avec des rebords en saillie, entre lesquels on introduit une certaine quantité d’eau. En haut de la chute, on a tendu des estacades où le bois vient s’accumuler. Lorsqu’il y en a une quantité suffisante, les flotteurs viennent l’introduire dans le glissoir. Les buches descendent avec une rapidité effrayante, et sont lancées au milieu de la rivière où elles plongent pour plusieurs minutes ; quand elles reviennent à la surface, elles sortent de l’eau verticalement, ce qui montre qu’elles arrivent d’une grande profondeur. Le courant est tellement fort dans le glissoir, qu’une pierre y flotte comme du liége ; c’est une expérience que nous avons faite nous-mêmes plusieurs fois. En faisant des-