Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 217 —

Qu’êtes-vous, œuvres de l’homme, auprès de cette sublime nature ?

Cependant l’eau arrive au bas de la chute avec la vitesse prodigieuse que nous venons de lui voir ; elle franchit un certain espace libre, et va frapper un rocher coupé à pic, qui s’élève en face de la chute. Elle veut revenir sur elle-même, mais elle est poussée par la vague suivante, celle-ci par une autre, et ainsi de suite ; alors l’onde se brise, s’écrase, puis s’élance dans une ronde fantastique à l’angle du rocher. C’est ce qu’on appelle le Remous du Diable ; et les tourbillons de l’enfer de Dante n’étaient rien auprès des tourbillons que l’on voit en ce lieu. L’eau fait le tour et est sans cesse ramenée par celle qui arrive : c’est un mouvement, c’est une confusion, c’est un chaos inexprimable. Un objet qui entre dans ce remous n’en sort pas, il est brisé sur les rochers, ou déchiqueté par les mouvements en sens contraire.

Quand on est sur le rocher au pied duquel l’eau tourbillonne ainsi, et qu’on se penche au-dessus de cet abîme, on a un spectacle terrifiant et qui donne le vertige, sans compter que l’on craint à chaque instant, et avec raison, l’éboulement de ces roches qui tremblent jusqu’à leur base.

Il pleut toujours en cet endroit, et le soleil y fait paraître les couleurs de l’arc-en-ciel.

C’était dans le voisinage du Remous du Diable que l’Honorable J. E. Turcotte et l’Honorable Drummond avaient fait élever ce grand hôtel qui n’a jamais été terminé, et qui, à la fin, a été frappé par la foudre et complètement incendié.

L’eau qui tourne dans le Remous du Diable n’y peut demeurer toujours ; une certaine quantité s’échappe à chaque tour et s’élance dans un lit profond, au pied du rocher que traverse la chute. Cette eau a une grande vitesse et forme de petites cascades ; mais elle entre ensuite dans l’anse que nous connaissons, se repose et laisse tomber tout le sable qu’elle tenait en suspension. De là viennent ces grands bancs de sable que nous avons déjà remarqués.