Page:Caron - Deux voyages sur le Saint-Maurice, 1889.djvu/212

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 210 —

duit par le maire de Chawinigane, dans son petit chef d’œuvre de barouche, où l’on est assis comme dans les fauteuils du gouverneur, c’était assurément trop d’honneur pour moi. J’étais tout confus, mais au fond vous comprenez que j’étais bien content. M. Rousseau voyage à la chute depuis plus de trente ans, de sorte qu’il en connaît tous les secrets et tous les détails.

Nous passons la partie sud-ouest du village, puis nous prenons un chemin de croisée. La route est d’abord très unie, mais en approchant du Saint-Maurice, nous rencontrons des coteaux et des ravins qui rendent le paysage fort pittoresque. Oh ! comme il faisait bon dans la jolie barouche de M. Rousseau ! Sur sa planche flexible, la moindre aspérité du sol nous faisait balancer si agréablement, et l’air était si pur !

Nous arrivons cependant à l’extrémité du chemin ; une barrière s’ouvre, et nous voilà dans la cour de la maison que le gouvernement a fait élever pour le gardien des estacades de Chawinigane. La maison et les dépendances sont très convenables et tenues dans un ordre parfait. Un jardin de fleurs, avec ses carrés entourés de cailloux blanchis, donne un air propret à cette demeure. Une terrasse s’étend le long du Saint-Maurice, au bout de la terrasse un petit kiosque invite à la causerie. Le tout est protégé par un quai, et ce n’est pas une précaution inutile, car le Saint-Maurice a de terribles caprices au printemps. Pendant ses moments de caprice, ce serait bientôt fait à lui d’enlever tout le coin de terre où nous sommes, avec la maison et les dépendances. On a bien compris cela au printemps dernier, et la propriété a couru des dangers sérieux.

Comment donc exprimer la forme du St-Maurice à l’endroit où nous nous trouvons ? Il faut dire, je crois, qu’il a la forme d’un sac. Le fond arrondi du sac est à gauche de la maison, et la gueule, avec ses bouillons en pierre qui ne laissent à l’eau qu’un passage fort étroit, se trouve sur notre droite, à un endroit appelé la Pointe-à-Chevalier. Cette pointe doit son nom à un homme peu connu, qui s’y noyait il y a déjà longtemps ;