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vent n’a certainement pas changé de direction, et voilà cependant qu’il souffle à l’avant de notre pirogue. Le fleuve va donc ici du sud au nord, ou à peu près ; eh bien ! je ne m’étais pas aperçu du changement. Je crois que j’aurais eu de la peine à diriger la Grande Hermine de Jacques Cartier pour découvrir le Canada ! Il faut remarquer que le Saint-Maurice ne tarde pas à reprendre sa direction ordinaire.

Les terres nous paraissent bien belles à l’endroit où nous sommes, et en avançant un peu nous nous trouvons vis-à-vis une pointe déboisée.

Nous entendons bûcher dans la forêt : ce sont des habitants de Sainte-Flore qui sont occupés à lever de l’écorce de Pruche. La paroisse de Sainte-Flore s’étend jusqu’au pied du rapide que nous allons bientôt apercevoir.

Nous voici à l’île des Hêtres, qui prend son nom du rapide qui l’avoisine, car pour des hêtres, il est bien douteux qu’elle en porte un seul. Cette île est assez grande pour former un établissement, et la terre y paraît être de bonne qualité.

Mais écoutez ce bruit que nous apporte la brise : c’est le rapide qui chante pour endormir la grande forêt.

Nous abordons ici, car le rapide des Hêtres n’est pas un petit bonhomme qu’on puisse mépriser : on le brave avec de grands canots ou des barges, mais pour notre petite pirogue, il faut qu’elle évite le géant sous peine d’être broyée dans ses bras redoutables.