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Des Petites-Piles à la Grand’Mère

Les Petites-Piles sont à une lieue de la chute des Piles[1] d’où nous sommes partis ce matin, et elles reçoivent leur nom de ce voisinage. Les Algonquins les appellent Omaïkaki kapatagane[2], ce qui veut dire portage du crapaud, à cause des grémillons que l’on y trouve. Or sachez, mortels ignorants, que les grémillons sont des choses du genre gravois, mais un peu plus grosses que les gravois.

Je m’étais bien proposé de sauter ce rapide, cependant mon guide trouvant qu’il y avait du danger à le faire, je ne voulus pas exposer follement ma vie. On ne pouvait le sauter sûrement qu’avec un canot de trois brasses, et le nôtre, je crois l’avoir déjà dit, n’avait que deux brasses et demie de longueur. Il s’agissait donc de faire un portage.

J’avais souvent entendu parler des portages, mais savez-vous, cher lecteur, qu’à mon âge, c’est-à-dire à 41 ans, je n’en avais jamais fait ni vu faire ? J’ai fait celui-ci pour mon coup d’essai, et ce fut un portage en règle, comme vous allez voir.

Mon guide commence par tirer son canot d’écorce sur le rivage : puis il fixe entre les parois de la pince les menus objets qui se trouvent libres. C’est d’abord le pot à la gomme, qui est pour le canotier ce que la

  1. Les Piles deviennent ainsi forcément les Grandes-Piles.
  2. Les Sauvages désignent plutôt les chutes par le nom de portage ; ils ajoutent pour cela kapatagane au nom de la chute.