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Les Piles ont un joli petit nom en algonquin : Kawichetawakachiche, ce qui veut dire portage vaseux ; il paraît donc que nos frères algonquins trouvaient rarement le chemin sec lorsqu’ils transportaient leurs canots en cet endroit.

Dans le remous des Piles la pêche est assez abondante : on y prend du doré, du brochet, de l’anguille, etc. Mais si le poisson ne manque pas, les pêcheurs jeunes et vieux manquent encore moins, comme on peut le comprendre en considérant que le village est à deux pas d’ici. Nous avançons et je remarque à chaque instant que les montagnes sont moins hautes qu’au-dessus des Piles : nous marchons vers la plaine, on le voit bien. Une butte de sable paraît au milieu de la rivière, ayant sur son sommet plusieurs bûches qui semblent se chauffer au soleil ; cette butte est le résultat du ralentissement des flots, et son peu d’étendue suffirait pour prouver que la chute n’a pas une grande importance.

Mais voyez donc cette île qui s’élève comme un bouquet au milieu des ondes ; c’est l’île de Mme Boyce, ainsi appelée du nom de son premier propriétaire ; elle appartient aujourd’hui à M. Alexis Leblond. La terre y paraît de bonne qualité.

À notre gauche voici l’entrée de la crique des Plaines. Un nommé Beaulieu s’est noyé à la pointe qui avoisine cette crique : on retrouva son corps dans une eau peu profonde et à six pieds du rivage.

Plusieurs îles s’étendent et sourient au beau soleil qui commence à luire : c’est d’abord une autre île de Mme Boyce, puis l’île à Marchand, l’île à Dontigny, etc. Dans ces endroits-ci, les îles portent tout simplement le nom de leurs propriétaires.

Les montagnes disparaissent peu à peu, le terrain est beau, plan, couvert d’arbres de la plus forte venue. Les colons paraîtront, un jour ou l’autre, sur ce rivage qui appelle leur cognée. En attendant, les oiseaux font entendre dans les grands bois le plus délicieux concert, et nous voguons au chant de ces ménestrels des solitudes. Nous voudrions que la pirogue allât plus lente-