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nom à un nom sans euphonie ; ce changement a été reçu partout, et depuis des années la rivière Métabérotine ne porte pas d’autre nom que celui de Saint-Maurice. Il est très probable qu’elle fut ainsi appelée en l’honneur de M. Maurice Poulin sieur de la Fontaine, avec qui nous ferons connaissance plus tard. Dans ses Mémoires, M. P. de Sales Laterrière désigne toujours le St-Maurice par le nom de rivière Noire ; il ne paraît pas, cependant, que cette dénomination ait jamais été admise par un grand nombre de personnes.

Les Canadiens aiment à donner des sobriquets aux personnes avec lesquelles ils sont familiers, c’est leur goût ; ceux qui étaient familiers avec le Saint-Maurice lui ont aussi donné un sobriquet, ils l’ont nommé Les Chenaux. C’est comme une édition populaire du nom qui avait été donné par Pontgravé.

Le Saint-Maurice, depuis la découverte du pays, a toujours été commerçant. Il fut d’abord employé au commerce des pelleteries : les Sauvages du Nord, Algonquins, Attikamègues, Montagnais, le chargeaient de transporter le produit de leurs chasses. Quelle quantité énorme de pelleteries n’a-t-il pas transportée aux Trois-Rivières, à la Gabelle ou en d’autres endroits ! Il continue encore ce négoce, mais les Sauvages ne se rendent qu’à Montachingue ou à Coucoucache, où la Compagnie de la Baie d’Hudson a établi des comptoirs.

Depuis près d’un demi-siècle, il s’est fait commerçant de bois, et je vous assure qu’il n’exerce pas son métier d’une façon mesquine.

Le flottage du bois se fait à bûches perdues sur le Saint-Maurice et ne peut se faire autrement, à cause des cascades et des rapides qu’on y rencontre ; mais savez-vous à quel chiffre s’élève le nombre de morceaux de bois transportés ainsi dans une seule année ? Je puis vous le dire d’une manière bien approximative.

D’après des calculs positifs, dans les années où le commerce du bois était le plus florissant, c’est-à-dire de 1870 à 1873, le Saint-Maurice transportait un million de bûches par printemps. Depuis 1873 le commer-