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tagne des Maurice, ainsi appelée du nom des messieurs Maurice qui demeurent dans le voisinage. C’est la montagne la plus élevée que l’on rencontre des Piles à la Tuque ; elle a environ 1,000 pieds de hauteur. C’est un bon commencement pour donner une idée des territoires du Saint-Maurice ! Cette montagne baigne ses pieds dans le fleuve, et elle est coupée presqu’à pic. Cependant, entre les lits de pierre, des arbres se sont accrochés je ne sais comment, et s’élèvent droit vers le ciel, suspendus au-dessus de l’abîme.

On tire du fusil auprès de cette montagne, et nous avons des effets de répercussion étonnants ; c’est absolument le bruit de la foudre dans les jours d’orage.

Un peu plus loin nous découvrons l’île aux Morpions. Ce n’est pas un nom poétique, celui-là ! Mais pourquoi, direz-vous, avoir donné un nom aussi malsonnant ? C’est facile à comprendre, comme vous allez voir. Les pauvres voyageurs qui avaient passé un hiver dans les grands bois, avec des gens venus de toutes parts, à coucher dans des lits de camp aussi mal tenus que possible, amassaient, quoiqu’ils fissent, bien des petits animaux malfaisants. Quand ils descendaient de leurs chantiers lointains, au moment d’entrer dans le monde civilisé, ils trouvaient à propos de se débarrasser de leurs parasites incommodes. Une petite île s’offrait à eux, facile à aborder, couverte d’un joli bouquet d’arbres : c’était vraiment le temps de tourner la chemise à l’envers. Et cela se fit tant de fois, que l’île a pris le nom des mauvaises petites bêtes dont elle a reçu les cadavres. Il reste pourtant aux délicats la ressource de l’appeler l’île Pigouînak.

À notre droite se déroule en ce moment la partie la plus importante de la paroisse des Piles : c’est une lisière de terre qui s’étend le long de la rivière, au pied des hauts rochers, et qui est couverte de jolis établissements.

Nous interrompons un instant notre course, pour arrêter chez M. Alfred Maurice dont la femme est très-malade. Toute la famille est réunie devant la porte, et la malade elle-même, toute consumée par la fièvre, paraît au milieu des autres, et se prosterne aux