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cette visite du prêtre ; mais, d’un autre côté, ils trouvaient leur curé si dévoué et si peu fier, qu’en peu de temps ils s’attachèrent singulièrement à lui.

M. l’abbé Chrétien travailla surtout à la réforme des chantiers. Il y avait là quelque chose à faire, car d’un bout du pays à l’autre on continuait à parler des blasphémateurs des chantiers du Saint Maurice. M. l’abbé Proulx avait fait beaucoup auprès de ces pauvres gens, il les avait amenés au prêtre ; tous, ou à peu près, se confessaient avec bonne volonté, mais le blasphème était un mal toujours renaissant au milieu d’eux. L’expérience disait donc qu’il fallait contre ce mal un moyen plus puissant que ceux qui avaient été employés.

Le grand moyen qu’employa le nouveau missionnaire fut d’introduire la communion dans les chantiers. On n’y avait guère songé jusque là, car la chose paraissait à peu près impossible. Les ouvriers travaillaient pour des protestants, ils revenaient tard le soir, et il fallait qu’ils fussent à leur ouvrage à six heures du matin. M. Chrétien passa résolument pardessus toutes ces difficultés. Voici quel était l’ordre suivi dans ses missions : —

Pour attirer les ouvriers à lui, il se faisait comme l’un d’entre eux, leur marquait beaucoup d’intérêt, s’informait de leur famille, leur contait de petites histoires, et leur faisait toujours passer une veillée des plus agréables. Après cette veillée de famille, les cœurs étaient à demi gagnés. La partie sérieuse de la mission commençait alors. M. Chrétien faisait généralement trois instructions. Les sujets qu’il aimait le plus à traiter étaient les suivants : la prière, le sacrilège, le blasphème, la confession, le culte de la Sainte Vierge. Il prêchait avec une véhémence terrible, car il tenait à emporter la pièce du coup. Quand il répondait à cette question : Quels sont ceux qui ne se confesseront pas ? il inspirait souvent une telle répulsion pour ceux qui abusent ainsi de la grâce de Dieu, que si quelqu’un se fût obstiné à ne pas se rendre, il eut probablement été chassé dès le lendemain du chantier.

Après les instructions, les ténèbres et le silence