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tiers n’est pas des plus attrayants, mais sachez bien que c’est le beau côté de la médaille qui vous a été présenté, il y a de plus le mauvais côté.

Les chemins des chantiers sont ordinairement très beaux, oui, quand il n’y a pas de tempête ; mais quand la neige tombe à plein ciel, que peut faire le missionnaire dans la forêt ou sur les lacs gelés ?

Un jour M. Proulx était parti de La Tuque pour Coucoucache, par un assez beau temps d’hiver ; il avait à peine fait quelques milles, quand la neige commença à tomber. Il crut que ce serait peu de chose, pourtant la chute des flocons de neige continuait. Le cheval commence bientôt à se fatiguer, contraint qu’il est de marcher dans une épaisse couche de neige ; on ne voit plus de chemin et le mauvais temps continue toujours ; la nuit est venue, et cependant on n’arrive pas. Le missionnaire se rendit à Coucoucache à neuf heures du soir, c’est-à-dire qu’il marcha plus de quatre heures au milieu des ténèbres, dans une anxiété terrible.

Il put se loger dans la maison du gardien du poste, un protestant ; et la tempête continua à sévir avec une force croissante. Dans la nuit, des chiens qui se trouvaient autour de la maison ouvrirent la porte, et personne ne s’occupa de la fermer. M. Proulx se leva avec crainte et ferma la porte. Quelque temps après, voilà encore la porte ouverte : le feu était éteint et il faisait un froid horrible dans la maison. Tout grelottant dans son lit, M. Proulx se décida à la fin à éveiller l’un des hommes pour lui demander de faire du feu. Celui-ci se leva, fit du feu, et l’on put ainsi attendre le retour de la lumière.

La tempête continua le lendemain, et cependant il fallait partir. Le cheval avait sans cesse de la neige jusqu’au ventre. Quand le missionnaire fut sur le lac Coucoucache, on ne voyait plus aucune trace de chemin, et il se vit obligé de marcher devant le cheval ; or l’eau avait monté sur la glace, de sorte qu’à chaque pas il s’enfonçait jusqu’aux genoux dans la neige et dans l’eau. Il croyait bien prendre quelque maladie mortelle, mais les missionnaires ont la protection du ciel : il ne fut pas malade.