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Français que le 8 de juin suivant, preuve évidente qu’il venait de loin, et non pas seulement de la chute de Chawinigane. On peut raisonnablement supposer qu’il marcha pendant près de trois semaines. S’il fût parti du portage de Chawinigane, le soleil du lendemain l’eût vu dans le fort des Trois-Rivières.

Voudrait-on dire maintenant que le père Buteux s’en retournait aux Trois-Rivières, et que ses deux jours de marche l’avaient fait arriver à Chawinigane ? Ce serait alors une protestation que nous ferions entendre, car une pareille supposition est injurieuse à la mémoire du père Buteux. Non, ce courageux missionnaire ne tournait pas le dos à ses chers Sauvages ; non il ne renonçait pas à évangéliser toutes ces nations lointaines que les pieux Attikamègues avaient convoquées exprès pour l’entendre. Les Relations des Jésuites ne laissent pas même soupçonner qu’il eût abandonné son voyage, et l’abbé Ferland dit formellement que le père Buteux marchait vers le pays des Attikamègues, quand il tomba sous les balles des Iroquois.

Je dis que les Relations ne laissent pas soupçonner qu’il eût abandonné son voyage, mais c’est peut-être dire encore trop peu : les Relations supposent d’une manière claire que le bon père continuait sa route vers le Nord. En effet ces paroles : il se résolurent de se séparer et de prendre diverses routes, etc. ; les autres bandes ayant pris le devant, etc., ne nous disent-elles pas avec la dernière évidence que le père, lui aussi, continuait à marcher vers le même but que les Sauvages ? Admettre que le père Buteux retournait aux Trois-Rivières quand il fut frappé par les Iroquois, nous paraît donc une grave erreur historique. Par conséquent, dire qu’il fut tué à Chawinigane est pour nous une chose tout à fait inadmissible. Nos lecteurs, nous l’espérons, sont maintenant de notre avis.