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toutes les armes à feu. Après que leur capitaine m’eût adressé sa harangue, qui fut courte, mais pleine d’affection et de piété, on nous mène droit dans une chapelle, faite d’écorce de certains pins très odoriférants, et bâtie de la main de ces bons chrétiens, jamais aucun européen n’y avait mis le pied. Deux capitaines firent merveilles en parlant hautement du bonheur de la foi, dont ils jouissaient par nos soins et par nos charités. L’un d’eux que j’avais baptisé aux Trois-Rivières il y a quelques années, homme de très bon esprit, de riche taille, et excellent chrétien, m’apporta un petit faisceau de pailles, c’était comme un catalogue de ceux que lui-même avait instruits et très bien disposés pour le baptême. Je fus ravi de voir que Dieu y avait fait sans nous, ce que je n’eusse osé espérer par moi-même après de longues instructions. Les deux premiers auxquels je pariai, furent deux frères mariés à deux jeunes femmes très bien faites, mais modestes, autant qu’aucune chrétienne européenne. L’aîné des deux frères, tenant son chapelet, me tint ce discours : Voilà, dit-il, ce que je prise plus que toutes les choses du monde ; je n’ai jamais vu d’européens qu’aujourd’hui, et je n’en désirais point voir, si non pour être instruit et baptisé. Il y a trois ans que je demande à Dieu de voir ceux qui enseignent et qui baptisent ; il m’a bien obligé de t’avoir amené pour me baptiser, je te remercie d’être venu : ne perdons pas le temps, enseigne-nous. Mais quoi, leur dis-je, savez-vous les prières ? Écoute-nous, me dirent-ils, alors chacun d’eux se mit à genoux, dit ses prières, tenant en main son chapelet. Mais d’où avez-vous ce chapelet ? Les chrétiens, me répondirent-ils, nous les ont donnés. Il y avait de la consolation à voir leur modestie et leur attention : ils ne perdaient pas un mot de ce qu’on leur disait ; leur ayant enseigné quelques mystères, ils demandaient qu’on les interrogeât, et puis le possédant bien, ils se divisaient par petites troupes pour l’enseigner aux autres qui ne s’y étaient pas trouvés. En moins de rien tous surent le catéchisme, et peu de jours après je baptisai ceux que je vis les mieux disposés. La plupart de cette assemblée n’avaient jamais vu d’européens ; je confessai et communiai les anciens chrétiens. Le