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le sieur de Normanville qui me venait chercher en canot avec mon hôte. M’étant rendu en la cabane, on m’y traita comme un homme ressuscité, d’un peu de poisson qu’on avait pris, et cela se mange sans pain, sans vin, sans autre ragoût que l’appétit qui ne nous manque pas.

« Le jour de Saint Marc, après la Procession et la Messe, on bénit le lac, et on lui donna le nom de saint Thomas, on bénit aussi les canots, et on donna à chacun le nom de quelque saint, qu’on écrivit dessus avec de la peinture rouge. »

On devait être près de la rivière Vermillon dont le lit renferme une belle peinture rouge.

« Tous les chrétiens, avant que de partir pour aller aux lieux où se font les assemblées, se disposèrent par une communion générale, qui se fit le premier jour de mai ; le lendemain nous nous mîmes en canot, et nous fûmes jusqu’au dix-huitième jour de mai à voguer par diverses rivières, par quantité de lacs, qu’il fallait chercher par des chemins dont la seule mémoire me fait horreur, par des rochers quasi inaccessibles, et souvent nous étions contraints de traverser des terres pour trouver des lacs et des rivières qui n’avaient point de communication : c’est-à-dire qu’il fallait nous charger de nos canots et de notre bagage, souvent n’ayant rien de quoi vivre, et n’en pouvant trouver.

« Enfin le jour de l’Ascension, après avoir dit la messe sur une belle roche toute plate, au milieu d’une petite île, et après avoir traversé des lieux de terreur et d’effroi, nous arrivâmes au lieu de l’assemblée. Je fus ravi d’y voir en un lieu éminent une haute et belle croix, nous l’adorâmes et invoquâmes l’assistance des anges gardiens, et de saint Pierre, patron de ces contrées. Ensuite nous fîmes une salve d’arquebuse, à laquelle nous n’eûmes point d’autre réponse que les voix de quelques enfants, ce qui nous étonna. Mais le capitaine qui parut seul peu de temps après, et nous vint au devant sur le rivage, nous en emporta la raison. Mon père, me dit-il, si l’on n’a point répondu à votre salve, ce n’est pas manque ni de pouvoir de le faire, ni d’amour que nous ayons pour toi ; il y a ici quantité