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père Ragueneau ; sa piété, sa douceur attiraient mystérieusement les âmes à l’amour de Jésus. Le père Buteux est le S. Bernard de notre pays.

Il aimait tous les peuples sauvages, car il eût voulu les donner tous à Jésus-Christ, mais les enfants de son cœur étaient les Attikamègues. « Il avait imprimé dans l’âme de ces sauvages des sentiments de dévotion si puissants et si efficaces, qu’il semblait que ces bonnes gens ne fussent nés que pour le ciel. » (Lettre du père Ragueneau). Il fit une grande mission chez ce bon peuple en l’année 1651. Le premier parmi les Français, il remonta ainsi une partie considérable du Saint-Maurice, et les Relations des Jésuites nous ont conservé le récit de son voyage. Nos lecteurs nous sauront gré de leur mettre sous les yeux ce premier des « Voyages dans le Haut Saint-Maurice ; » nous accompagnerons la vieille narration de quelques commentaires, pour en faciliter l’intelligence.[1]

Le père Buteux écrit donc :

« On ne saurait s’imaginer les poursuites que firent les bons Attikamègues pour m’attirer en leur pays ; je n’y étais que trop porté d’affection, mais le congé ne m’étant pas donné, je ne pouvais accorder leur demande.

« Enfin, ayant permission d’y aller, je le signifiai aussitôt au capitaine d’une bande qui était aux Trois-Rivières. On me choisit un hôte qui prit charge de me fournir de tout ce qui m’était nécessaire : d’une traîne pour traîner après moi mon petit bagage : de raquettes pour marcher sur les neiges, etc.

« Le 27 mars, nous partîmes quatre Français, savoir : monsieur de Normanville et moi et nos deux hommes, en compagnie d’environ quarante Sauvages, tant grands que petits. Une escouade de soldats nous accompagna la première journée, à cause de la crainte

  1. C’est ce qu’a fait Benjamin Sulte dans ses intéressantes Chroniques Trifluviennes. Nous avons généralement suivi cet auteur, cependant nous nous sommes trouvés dans l’obligation de nous séparer de lui sur quelques points. Il ne nous en gardera pas rancune, nous en sommes sûrs.