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de l’acre, c’est bien. S’il y a peu de perte sur les lots, je conçois qu’on ne retranche rien d’un prix de vente aussi minime. Mais si le tiers, la moitié, ou même les deux tiers du lot sont en roc vif, que l’agent des terres de la Couronne reçoive donc instruction de se montrer abordable, pour diminuer le prix de ce lot.

Des hommes mal intentionnés achetaient des lots du Gouvernement à trente centins l’acre, faisaient le premier versement, et ensuite ne s’occupaient plus ni de payer les autres versements, ni de remplir les conditions de défrichement requises par la loi. Quand ils avaient entièrement dépouillé leur lot de tout le bois de commerce, ils déménageaient, le plus souvent pour s’en aller aux États-Unis. Le gouvernement était alors obligé de canceller la vente, et restait avec un lot de terre sans valeur. On a voulu protéger le Gouvernement contre un tel brigandage, et on a eu raison. Mais, comme il arrive souvent quand on se donne un élan vigoureux, il paraît qu’on a outrepassé le but. En voulant arrêter les brigands, on a gêné considérablement les colons de bonne foi. Pour empêcher les voleurs d’infester les grandes routes, il ne faut pas murer les honnêtes gens dans leurs maisons. Il vaut mieux souffrir quelques abus que de s’exposer à persécuter un seul de nos bons défricheurs. Ainsi je recommande tout spécialement aux hommes d’État d’avoir des cœurs de pères pour nos colons du Saint-Maurice, qui sont tous des colons de bonne foi.

Messieurs les Ministres, je vous remercie beaucoup de m’avoir écouté avec tant de bienveillance. Je me suis laissé aller parfois à ma vivacité naturelle, mais vous ne vous en formaliserez pas ; j’ai fait cela à dessein, pour vous empêcher de prendre sommeil en m’écoutant. Je vous assure que si j’ai l’écorce un peu rude, au fond j’ai un bon cœur.

Je vous fais mes adieux, et je vous invite cordialement à venir avec moi, par le nouveau bateau, au mois d’août prochain, goûter la douce hospitalité de mes amis du Haut Saint-Maurice.