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il est de sa famille et, après quelques années de soins, ce sera un fort galant homme ; ou que la dernière Aldini laisse son imagination d’abord, son cœur ensuite, s’éprendre de Lélio : c’est un artiste célèbre, un esprit charmant, un noble cœur ; que Valentine enfin pardonne à Bénédict quelques rudesses de manières : c’est une sorte de génie, inculte seulement à la surface, plein d’éloquence naturelle et d’idées fortes. Mais je doute que les grandes dames et les nobles demoiselles de Mme Sand puissent aimer, ailleurs que dans les romans, les unes un gondolier ignare, les autres un ouvrier illettré ; surtout que, si elles ont eu le vertige de ces amours disproportionnés, elles poussent l’imprudence au delà, et qu’elles rêvent des unions plus impossibles que leur amour. En tout ceci je ne fais qu’exprimer des doutes et marquer des nuances. Je pose des questions, je me garderai bien de les résoudre. Qui oserait, sans folie, affirmer qu’il y a quelque chose que l’amour ne puisse pas faire ? Mais alors c’est à titre d’exception.

Nous avons indiqué la théorie de l’amour dans Mme Sand, si pourtant ce n’est pas forcer le sens des mots que de voir une théorie dans ces inspirations ardentes d’une sensibilité sans règle. Et malgré tout, en dépit des plus justes critiques, il est difficile de ne pas subir le charme. Il faut tenir sa raison bien en garde pour l’empêcher d’être entraînée. Jamais on n’a porté une candeur plus éloquente dans le paradoxe, ni une loyauté plus enthousiaste dans l’erreur.