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Blanchemont, Yseult de Villepreux et tant d’autres, aller chercher leur idéal sous la blouse du paysan ou la veste de l’ouvrier, jalouses de relever leurs frères abaissés et de remettre chacun d’eux à sa vraie place. Ainsi se font les mariages d’âmes, d’une extrémité à l’autre de l’échelle sociale, dans le monde des romans de Mme Sand. Elle se plaît, dans les jeux de son imagination, à rapprocher les conditions et à préparer (elle le croit du moins) la fusion des castes par l’amour.

Qu’y a-t-il de vrai dans cette idée ? L’amour égalise-t-il les rangs dans la vie comme dans le roman ? C’est une de ces questions délicates qui n’admettent pas de réponse absolue, et que d’autres juges que les hommes pourraient seuls éclairer avec leurs instincts et leurs fines inductions. Si j’en crois quelques témoignages, cette idée de Mme Sand séduirait beaucoup l’imagination des femmes. Il y a, en effet, dans le cœur de chacune d’elles, une tendance au dévouement dans l’amour, une sorte d’instinct chevaleresque qui s’exalte dans l’idée d’une lutte généreuse avec les disgrâces imméritées de la société ou de la fortune. Quelle âme féminine résisterait, en imagination au moins, au plaisir de relever une grande intelligence refoulée dans l’ombre, un cœur vaillant égaré, par les hasards d’un sort contraire, dans les rangs obscurs de la vie ? Mais cet héroïsme va-t-il au delà du rêve ? Une femme née dans un rang élevé, entourée de ce luxe et de cet éclat qui sont comme le cadre naturel des hautes