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et pour le perdre. » Mais où donc s’arrêtera cette indulgence pour les égarements de l’amour ? J’ai peur qu’elle ne s’étende bien loin, jusqu’aux dernières limites où peut s’étendre la vie libre. Je me rappelle involontairement une apologie très vive (pro domo suâ) d’Isidora la courtisane, démontrant à Laurent que toutes ces femmes de plaisir et d’ivresse qu’un stoïcisme puéril méprise, ce sont les types les plus rares et les plus puissants qui soient sortis des mains de la nature. Mme Sand peut dire qu’Isidora parle ainsi par circonstance ou par situation, et que d’ailleurs il ne faut pas discuter si sévèrement les folles pensées qui s’échangent au bal masqué. Soit ; mais plus loin, dans le même livre, Laurent développe un thème analogue, et conclut hardiment, devant la noble Alice, que la société n’a pas donné d’autre issue aux facultés de la femme, belle et intelligente, mais née dans la misère, que la corruption. Et la pudique Alice répond avec une expansion douloureuse : « Vous avez raison, Laurent ». Le mot est d’une bouche bien grave, cette fois !

Dans toutes les fautes qui peuvent entraîner une femme, dans celles mêmes qui l’avilissent aux yeux du monde, il n’y a de coupable que la société, qui entrave les libres élans de Dieu dans les âmes. On va bien loin avec cette théorie. J’ai peur que les âmes qui, par malheur, la prendraient au sérieux, ne s’énervent dans une sorte de fatalisme oriental. C’est la foi dans la liberté qui nous fait libres. Croyez-y vigoureusement, vous la sentirez vivre et