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jamais une nuit ensemble sans nous agenouiller et sans prier pour Jacques. » Voilà un mari bien consolé.

On ne doit pas s’étonner, d’après cela, si les héros de Mme Sand croient rendre à Dieu une sorte de culte en cédant à l’amour. Les amants prennent tout à coup, dans leurs extases, des airs d’inspirés. Quand ils racontent leurs joies, c’est avec une sorte d’exaltation pieuse. Ils semblent voir là quelque chose comme des rites sacrés, où ils apportent un orgueil attendri. Ce ne sont plus des amants, ce sont des grands prêtres.

De quel ton religieux Valreg raconte l’invraisemblable bonheur qui lui est arrivé, le mensonge bizarre et l’héroïsme cynique par lequel la Daniella s’est livrée à lui ! Je n’insisterai pas, je veux seulement indiquer la note qui domine dans cette étrange action de grâces. Les métaphores les plus mystiques se pressent sous sa plume délirante. « Une vierge sage calomniant sa pureté, éteignant sa lampe comme une vierge folle, pour rassurer la mauvaise et lâche conscience de celui qu’elle aime et qui la méconnaît ! Mais c’est un rêve que je fais !… Je suis dans un état surnaturel… Je me trouve tel que Dieu m’a fait. L’amour primordial, le principal effluve de la divinité s’est répandu dans l’air que je respire ; ma poitrine s’en est remplie… C’est comme un fluide nouveau qui le pénètre et qui le vivifie… Je vis enfin par ce sens intellectuel qui voit, entend et comprend, un ordre de choses immuable, qui coopère sciemment