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Sylvia ; quand il ne l’aime plus, c’est Fernande qu’il aime. Son inutilité dans la société n’est pour lui ni un souci ni un remords ; d’ailleurs il n’y pense pas, et s’il y pense, il n’y croit pas. Sa fonction sociale est d’aimer ; Dieu sait s’il s’en acquitte en conscience. Bénédict, dans Valentine, ne s’imagine pas non plus que son intelligence ou ses bras puissent servir à autre chose. Du jour où il a rencontré Valentine, sa vie extérieure s’arrête. Il abdique toute son activité, tout son avenir ; il ne songe pas que l’existence a ses exigences et ses devoirs. Il vit avec son amour et de son amour, dans l’immobilité d’une extase orientale, que troublent seulement ses fureurs et ses désespoirs.--La raison de vivre, c’est l’amour ; le droit de vivre cesse avec lui. Ceux qui persistent à traîner sur la terre l’inutile fardeau d’une existence sans amour sont des âmes faibles qui n’ont pas su trouver en elles l’énergie d’une résolution suprême. Mais croyez bien que ces volontés inertes, qui n’ont pas l’énergie de la mort, n’ont pas eu celle du véritable amour. André, après la mort de Geneviève, se promène malade au bras de Joseph Marteau, le long des traînes, lentement, les yeux baissés, comme s’il craignait encore de rencontrer le regard de son père. L’infortuné, nous dit Mme Sand, n’avait pas eu la force de mourir. C’est qu’aussi André n’a porté dans la passion que les agitations et les terreurs de la faiblesse. Voyez les vrais héros de l’amour, ils sauront quitter la vie quand l’amour les quittera. Valentine mourra de la mort de Bénédict.