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machines socialistes, elle avait donné au monde attentif et ravi une délicieuse idylle, la Mare au Diable, et préludé ainsi, par un petit chef-d’œuvre d’exquise chasteté et de poésie champêtre, à la nouvelle manière qui devait marquer pour elle une autre période, une période de renaissance. Bonheur inattendu ! Dans ces pages privilégiées, pas un mot de politique ni d’utopie. Rien qui divise, rien que de pudique et d’attendri, rien que de noble sans effort, de beau sans emphase, de touchant sans phrase ! Un petit voyage de trois lieues, qui dure une nuit parce que l’on s’égare ; une conversation plusieurs fois interrompue, reprise, quittée, entre le fin laboureur Germain, qui va chercher femme à Fourche, et la petite Marie, qui s’en va bergère aux Ormeaux ; deux personnages épisodiques, mais non étrangers à l’action, Petit-Pierre, qui voudrait bien avoir Marie pour seconde mère, et la Grise, une bonne et belle jument qu’on aime comme si elle était une personne ; le bivouac improvisé sous les grands chênes et où la nuit se passe tout gentiment, pour Marie, à jaser et à dormir, pour Germain, à causer et à rêver ; une émotion bien vite réprimée par le brave paysan devant tant d’innocence et de candeur, et, ce qui vaut mieux, un bon projet de mariage qui germe dans sa tête et qu’il remportera demain à la ferme, voilà tout ; ce n’est rien, et ce rien restera dans notre littérature d’imagination parmi les œuvres accomplies, nées sous un rayon propice, et consacrées. La poésie est le talisman de Mme Sand ; dès qu’elle y touche, la