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des accès de cette exaltation douloureuse qui avait fait jusque-là son secret supplice et, ce qui est plus dangereux, sa secrète et chère volupté. Quelques années se passèrent dans une sorte de tranquillité prosaïque et de bonheur négatif. Le rêve semblait s’être enfui bien loin ; deux beaux enfants grandissaient autour d’elle. Elle était devenue, s’il faut l’en croire, une campagnarde engourdie, en apparence au moins ; elle s’appliqua même à devenir une bonne femme de ménage, ce qui est plus difficile encore. Si sa pensée travaillait encore solitairement dans la condition très bourgeoise où elle semblait condamnée à vivre, la jeune mère n’avait pas le pédantisme de ses agitations morales ; personne n’en avait le secret ni même le soupçon autour d’elle, et quand elle eut écrit ses premiers romans, un de ses plus chers amis, un habitué de Nohant, le Malgache, lui écrivait : « Lélia, c’est une fantaisie. Ça ne vous ressemble pas, à vous qui êtes gaie, qui dansez la bourrée, qui appréciez le lépidoptère, qui ne méprisez pas le calembour, qui ne cousez pas mal et qui faites très bien les confitures. » Quand définitivement son intérieur fut troublé, vers 1831, quand les projets d’un avenir à sa guise eurent pris le dessus, quand on lui eut accordé une misérable pension et la liberté, qui devait plus tard se transformer en une séparation légale à son profit, quand elle fut arrivée à Paris pour y courir les risques effrayants d’une existence complètement affranchie, ce fut alors que l’on connut Mme Sand, une femme nouvelle